mardi 11 septembre 2012

You can't ask why about love.


Lors d'une récente escapade outre-manche, j'ai eu le plaisir d'aller voir la dernière adaptation d' Anna Karénine de Léon Tolstoi. Ou plutôt, Anna Karenina en anglais dans le texte. Bref, j'ai très envie de vous en parler, d'une part parce que j'ai beaucoup aimé, et d'autre part, pour mettre un peu l'eau à la bouche des amateurs(rices) de films en costumes qui passeraient par là, étant donné que le film ne sera sur les écrans français que cet hiver (pourquoi? mis à part le fait que oui oui, le bortsch et les chapkas de fourrure par -40°C, ça sent bon l'hiver). 


Partons du point de départ si vous voulez bien. A la caméra : Joe Wright (souvenez-vous d'Orgueil et Préjugés). Au scénario : Tom Stoppard (là j'admets que la référence puisse être davantage obscure pour les non-anglophones, mais Shakespeare in LoveBrazil, c'est lui). Et dans le rôle principal : Keira Knightley (souvenez-vous d'Orgueil et Préjugés BIS). J'ai toujours entretenu une relation (oui oui on est très intimes tsé) ambivalente avec Keira Knightley. Je trouve son visage magnifique, sa silhouette pleine de grâce quoiqu'un peu trop maigre, mais son jeu me laisse la plupart du temps assez dubitative. Et là, grande première : je n'ai pas vu Keira Knightley mais Anna Karénine. J'avais presque envie d'applaudir (et vous allez voir comment ce geste aurait eu du sens dans le cas de ce film).


Car je crois avoir une théorie explicative qui se tient : son jeu colle on ne peut mieux à la mise en scène, c'est à dire : maniéré(e), théâtral(e), tout en poses et postures. Joe Wright prend ici le parti (et le risque) de revisiter le roman de Tolstoi en proposant une adaptation qui confronte cinéma et théâtre. On pense (presque inévitablement) dès les premières minutes à Baz Luhrmann et à son tonitruant Moulin Rouge. Mais ce qui ressort ici c'est quelque chose de fragile et de précieux. Les décors en carton peint s'enchaînent, les acteurs/personnages passent d'un plateau à un autre, les coulisses se dévoilent et les artifices s'accumulent parfois outrageusement, de sorte que chaque plan se transforme en un véritable tableau XIX° dansant.


Sous cette théâtralité assumée, tous les membres de la haute société de Moscou semblent comme autant de marionnettes dont une main invisible tirerait les ficelles. Le couple adultère est l'objet de tout les regards, ceux des spectateurs de la salle de cinéma mais aussi des autres protagonistes. Anna Karénine n'est pas maîtresse de son destin parce qu'elle choisit d'être la maîtresse de Vronsky (fringant et blondinet Aaron Taylor-Johnson), alors qu'elle croit à cet instant pouvoir s'affranchir d'une destinée dont elle n'avait pas voulu.


Si l'on parvient à faire abstraction des lèvres de Ruth Wilson (duck-duck Princesse Betsy), le reste est plutôt cohérent historiquement (pas sûre que les aristocrates russes avaient en ce temps déjà recours aux injections - quoique chez Ms Knightley cela passe très bien). Et puis vu que Matthew Macfadyen porte une moustache et quelques kilos en trop pour jouer Oblonsky, on oublie au passage que le réalisateur a aussi embauché M. Darcy (souvenez-vous d'Orgueil et Préjugés BIS - BIS). En parlant de moustache : Jude Law est absolument brillant dans son rôle de mari déshonoré, tout en finesse et en retenue.

Les costumes de Jacqueline Durran sont tous plus beaux les uns que les autres, les décors de Sarah Greenwood et les paysages de la campagne russe somptueux, la bande-son vous hante longtemps après être sorti de la salle : tous ces petits détails valent le coup à eux seuls. A condition peut-être de ne pas se montrer trop réticent à la lenteur, mais il faut savoir parfois se laisser bercer, et puis le film a son lot de passion, de cris, de larmes et d'adieux déchirants, alors...