vendredi 19 août 2011

My Little Princess


J’ai enfin pu voir My Little Princess, sorti à la fin du mois de juin que je n’avais malheureusement pas pu voir immédiatement, le film n’étant pas distribué en Grande-Bretagne, mais par chance, encore projeté dans mon cinéma préféré à mon retour.


Le point de départ, autobiographique, à garder à l’esprit selon moi si l’on veut mieux juger du reste après : Irinia Ionesco, icône gothique de la photographie érotique des années soixante-dix, dont le travail à la fois fascinant et dérangeant ne laisse pas de marbre, et ressort au grand jour grâce à ce film, exutoire en patchwork réalisée par sa fille, Eva.


Au premier plan pour moi, la reconstitution photographique, par la fille elle-même donc, somptueuse.

Tout comme la relation mère-fille est faite d’ambivalences, l’univers esthétique de sa mère est tout en contraste, chatoyant et sombre, mêlant sexe et mort, symbolisme et crudité, et sur ce point je ne suis pas objective tant je suis depuis toujours réceptive à ce genre de beauté malsaine, allez savoir pourquoi. Et que dire du stylisme ? Catherine Baba aux commandes, les costumes que portent Isabelle Huppert sont plus beaux les uns que les autres, dans leur mélange d’années 30, d’orientalisme, de kitsch 80’s. Le genre de garde-robe que je me plais à rêver d’avoir, si seulement j’avais la même silhouette de liane. Tant pis, j’en prends plein les yeux, et je garde mes moindres excentricités pour flatter mes petites courbes et attaches fines. Quant au studio photo qui ressemble davantage à un cabinet de curiosités, on sent l’influence de la première partie de sa vie, d’avant la photographie : celle des cabarets, du cirque, des voyages…


Et puis il y l’histoire personnelle, incestueuse…Derrière le comportement névrotique d’Irina, que peut-on excuser, qui est la première victime de ce cercle vicieux dans lequel la mère enferme sa fille ? N’est-elle qu’une inconsciente perdue dans une autre époque et absorbée par sa propre réussite vendant ses clichés au nom de l’art et de l’amour maternel, ou bien une mère abusive, ou les deux ?


Car Irina – ou plutôt ici, Hannah - joue à la poupée avec sa fille à l’âge même où c’est cette dernière qui devrait y jouer. Par bien des moments, on a l’impression que les rôles s’inversent, entre mère et fille, en particulier face à l’incompréhension sidérante d’une artiste si obnubilée par son œuvre qu’elle en perd le sens du réel : « Je pensais que tu étais assez grande pour comprendre. Je me suis trompée ». Mais l’aveu ici ne correspond pas à une prise de conscience, à une remise en question de sa propre démarche ou même de sa propre maturité. C’est une accusation.

A côté d’un personnage aussi fantasque et déluré que celui de sa mère, Eva/Violetta apparaît comme l’archétype parfait de l’innocence enfantine, ou de l’enfance innocente : les joues rondes, la chevelure ondulée d’une princesse, blonde comme les blés, les yeux limpides – une princese de contes de fée, en somme. Une petite fille qui devient progressivement un être sans âge, ce qui contribue à sa chosification. Peu à peu son visage reste celui d’un ange tandis que son regard et ses mots deviennent ceux du diable. L’aveuglement obsessionnel d’Hannah se traduit par la cruxifiction de l’innocence de sa fille, égérie malsaine malgré elle.


Dans le film, les prénoms ont été changés : Eva Ionesco parvient à trouver un point de vue juste, sans verser dans le règlement de compte ou dans l’auto-psychanalyse – même si l’aspect cathartique du film en soi ne fait pas de doute -, tout en soulevant inévitablement des questions toujours d’actualité : quelles sont les limites entre l’enfance et l’âge adulte ? Et surtout, quelle place pour le droit à l’image en art, surtout à l’ère du tout numérique aujourd’hui ? Le hasard aura voulu que je tombe sur un article au sujet des dernières photographies controversées de Vogue juste après avoir vu le film…

Le couple mère-fille est très inégal en terme d’interprétation, il faut bien l’avouer : Isabelle Huppert est excellente, Anamaria Vartolomei récite plus ou moins bien son texte – d’ailleurs pour une première expérience au cinéma, on espère qu’elle aura la distance nécessaire pour ne pas tomber dans le même schéma que la réalisatrice de façon mimétique…


My Little Princess ravira donc certainement tout amateur d'art un tant soit peu éclairé, ou du moins ceux qui sauront y voir une certaine beauté (ou une beauté certaine, à voir) par delà le débat psychologique ; dans tous les cas, il ne laisse pas indifférent.

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